Une histoire de lessive

Austin venait toujours juste de rentrer de son travail de serveur sur le campus. Il rêvait d'une bonne douche chaude et voulait en profiter le temps que ses colocataires n'étaient pas encore là.

Quand il fut devant l'immeuble, il mit un certain temps à trouver ses clefs. Pourtant, il n'avait que ses poches à fouiller. Une fois en main, il entra dans le hall et se monta les cinq étages afin de regagner l'appartement.

Comme d'habitude, il ôta sa veste et la déposa sur le porte manteau. Il retira ses chaussures puis se mit à déambuler jusqu'à la cuisine pour prendre une pomme. Ensuite il alla vers sa chambre mais pour une raison inconnue, il continua jusqu'à la bibliothèque.

A quelques pas de lingerie, il mit les pieds dans de l'eau. Ni une ni deux, il accéléra la cadence et ouvrit la porte. Et là, l'horreur quelqu'un avait mis une machine à tourner mais n'avait pas attendu qu'elle finisse pour partir.

- Manquez plus ça ! Lacha-t-il.

Il ne prit pas le temps d'éponger avant d'ouvrir la machine. Et il fut à nouveau frappé par l'horreur.

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! MES CHAUSSETTES ET MES CALEÇONS !

Il terminait son emménagement. Il avait passé la semaine chez ses grands-parents (autant dire qu'il en avait fait des kilomètres en bus et à vélo pour aller en cours etc.)
C'était d'ailleurs grâce à ses grands-parents (maternels) qu'il avait pu partir de chez ses parents. Il ne s'entendait plus du tout avec eux, et ça avait fini par exploser. Ils ne voulaient pas d'un fils artiste bohème - bref d'un feignant selon eux - qui prenait une mauvaise pente.
Sa mamie était bien différente de son acariatre de mère! Complice, elle avait discuté avec son vieux mari, et ils avaient passé un accord avec AYmeric. Ils l'aidaient à obtenir une chambre, avoir des meubles, payer la caution, en échange, il devait se dégoter un petit boulot pour subvenir à ses besoins.
Comme il avait en outre de l'argent d'une partie de l'héritage qu'il avait eu suite au décès de son arrière-grand-père... Ses finances allaient bien.

Ses parents, en revanche, n'avaient pas bien pris la nouvelle. Une chambre en colloc? Non mais ça va pas! Mais... Aymeric avait claqué la porte. Il avait embarqué ses affaires, c'est à dire ses vêtements, ses livres, ses jeux, son PC et ses instruments de musique. Même le piano, vu que c'était Mamie qui lui avait offert. Et toc! Il n'y aurait plus un son "live" dans la maison!
Avec l'aide de déménageurs, le tout se trouvait dans la chambre du fond, au 5ème étage...

En cette fin de journée, il finissait son déménagement. C'est à dire qu'il arrivait avec deux gros sacs de fringues et sa dernière valise de livres...
A peine arrivé, il entendit un bruit d'eau depuis l'entrée...

*Que se passe-t-il?*

... Et il entendit Austin pester... OK... Quelqu'un a merdé avec la machine à laver! Il se dépêcha de poser ses affaires dans sa chambre et alla directement à la lingerie. Catastrophe! Austin avait ouvert la machine alors qu'elle était en marche - donc pas encore vidée!

-Rha putain la poisse!

Heureusement qu'il avait d el'à propos, il prit une serpillère et la lança à Austin. Puis il prit le balai à eau (l'espèce de balai avec une sorte d'essui-glace en guise de brosse, pour ramener l'eau à un endroit), pour diriger l'eau vers le syphon d'évacuation...
*Putain, à peine arrivé que je joue les femmes de ménage! Vive l'indépendance, tiens!*

A hurler comme il l'avait fait, il n'avait pas entendu quelqu'un entré dans l'appartement et encore venir d'un pas précipité vers la lingerie.

Austin était horrifié par la nouvelle teinte de ses caleçons et ses chaussettes. Jamais ô grand jamais il ne porterait sur lui temps qu'ils seraient de cette couleur.

Tellement stupéfait. Il ne réagit même pas quand le benjamin de la collocation lui laissa la serpillère. Non, il était déjà en train de chercher la bouteille d'eau de javel pour les faire tremper afin qu'ils ne retrouvent leur couleur blanche.

*Putain, elle est où la javel ?*

Cela dit, l'américain réagit aux paroles de l'homme qui était le propriétaire de l'appartement. En fait, il avait mis des chambres à louer mais Austin ne saurait dire s'il était bel et bien le proprio de la demeure.

- Je serai toi, j'arrêterai de rire parce qu'il y a peut être des fringues à toi là-d'dans. Dit-il en remettant la chaussette et le caleçon qu'il avait en main.

Le serveur se baissa afin d'aider Aymeric qui poussait l'eau vers le conduit d'évacuation. Il attrapa la serpillère qui se trouvait à terre et à ses pieds.

*Comment c'est arrivé là ce truc* se demanda-t-il en cherchant un saut du regard.

- Scipio, est ce que tu peux nous donner un coup de main en allant juste chercher un saut s'il te plait ?

Scipio alla dans la cuisine chercher ce que lui avait demandé Austin. Ce dernier aidait toujours Aymeric à écoper. Enfin surtout façon de parler. Il fallait vraiment remettre tout à neuf avec que Lena ne débarque et ne pique un esclandre dont elle seul avait le secret. Ah oui, quand elle pétait une crise, il valait mieux rester enfermé dans sa chambre à jouer à la console de jeu, avec un casque sur les oreilles pour ne pas l'entendre.

Le professeur revint donc avec une marmite à la place d'un seau.

- Ça fera l'affaire et quand on aura fini j'mettrai à bouillir mes chaussettes et mes caleçons pour tenter de leur rendre leur couleur.

Austin se remit donc à éponger afin de ne pas laisser le lycéen se taper tout le nettoyage à peine arrivé. Tout en réfléchissant à la seconde partie de la phrase du propriétaire de l'appartement.

- Non parce que je ne me vois pas mettre la machine en route. Surtout en sachant qu'on ne serait pas là une bonne partie de la journée avec nos boulots.

Il essora de son mieux la serpillère avant de la remettre à terre pour qu'elle absorbe encore l'eau. Il s'apprêtait à demander si finalement la panne était bien chez eux et non ailleurs. Mais il eut le souffle coupé.

- Qu'est ce que ma frangine fout ici ? Et c'est Olivia qu'elle s'appelle la jolie brune.

Oui, il n'avait pas eu besoin de plus ample information pour trouver de qui il s'agissait. Mais pourquoi diable était-elle venue à Trivialle ? Qu'était-il arrivée à leur mère pour qu'elle fasse le déplacement ? Et surtout à quelle sauce allait-il être mangé par cette petite sœur qu'il aimait tant ?

Ce jour-là, comme elle ne se sentait pas vraiment bien à cause d'Austin, qui avait passé la nuit sur sa console de jeu vidéo, l'empêchant de dormir avec son boucan, Lena avait été libérée plus tôt du travail. Arrivée en bas de l'appartement, elle chercha ses clefs et mit un moment à les trouver dans son sac à main. Elle ouvrit la porte et monta les cinq étages qui la séparaient de sa chambre.

Elle portait un petit tailleur jupe noir, assez strict, et ses cheveux étaient coiffés en chignon. Lorsqu'il l'avait vue, au petit matin, Austin n'avait pas manqué de lui rappeler qu'elle paraissait méchante ainsi vêtue. Elle aimait beaucoup le franc parler de ce jeune homme et, d'ailleurs, elle appréciait le jeune homme lui-même.

Arrivée dans l'appartement, elle posa son sac et la veste de son tailleur sur le porte-manteau, remarquant qu'Austin était déjà rentré. Elle défit un faux pli sur la veste du jeune. Des élats de voix émanèrent de la lingerie et elle en conclut que, malgré ses recommandations, ils avaient essayé de faire tourner une machine seuls. Les hommes étaient vraiment étranges. Ils comptaient sur les femmes pour faire les sales besognes et, quand ils en avait une prête à les faire par elle-même, ils se sentaient obligés de le faire eux-mêmes!

Elle enleva ses chaussures et s'avança, sans faire de bruit, vers la salle de bain. Là, elle écouta ce macho de Scipio et se crétin d'Austin se prendre la tête à propos d'une donzelle. Un sourire s'afficha sur son visage. Elle s'appuya sur l'encadrement de la porte et continua à les observer un moment, en silence. Il ne remarquaient pas sa présence et c'était tant mieux. Elle pourrait bien s'amuser. La catastrophe avait tout l'air d'être signée Austin.

Elle haussa un sourcil en voyant qu'ils épongeaient l'eau dans une marmite. Son sourire s'élargit. C'était sûrement Scipio, qui n'avait jamais la patience de chercher quelque chose qui n'était pas sous son nez. Elle secoua lentement la tête. La serpillère d'Austin tirait déjà la tronche et elle ne savait pas jusqu'où il irait avec, mais en tout cas, il n'irait pas bien loin.

Elle fit donc demi-tour, toujours invisible à ces messieurs, se rendit dans la cuisine, ouvrit un placard pour en sortir un seau, y jeta une serpillère neuve puis retourna vers la salle de bain où elle jeta les outils de nettoyage devant Austin.

- Un problème messieurs? demanda-t-elle en souriant, les yeux rivés sur Scipio et Austin.

Il avait fait évacuer une bonne partie de l'eau dans le siphon du sol, avec son balai, quand Scipio revint avec... une marmite.

Il n'aurait jamais pensé ça. Il habitait avec des adultes. Et aucun
d'entre eux ne semblait savoir comment fonctionne une machine à laver,
ni même avoir de quoi nettoyer en cas de besoin. Franchement! C'était
lui le cerveau de la troupe ou quoi?

Finalement, entre deux paroles échangées par Austin et Scipio, Lena arriva... elle foutait toujours un peu les chocottes, avec son air strict et pincé, mais elle était plutôt sympa. Enfin, il ne la connaissait pas vraiment... Mais là, avec le seau et la serpillère, elle devenait numéro 1 dans sa liste des collocs préférés.

-Scipio... Tu sais pas où tu ranges les seaux?

Il était assez étonné... Il y avait un seau, dans SON appartement, et il n'était même pas au courant!

- Merci, Lena.

Il continua de faire évacuer l'eau. Finalement, il ne restait qu'une couche superficielle...
Il râla un peu dans sa barbe en marmonnant:
-... pffff... Austin, la prochaine fois, attends que le lavage soit fini avant d'ouvrir la machine...

Vu le grand amour que ses parents lui portaient... ou plutôt vu le grand amour qu'il portait à ses parents, il avait tôt fait de se débrouiller seul à la maison. Aussi avait-il pris la résolution de laver ses vêtements et ses draps lui-même. Il ne voulait pas d'intrusion parentale dans sa chambre. Il savait donc comment fonctionnait une machine à laver. Il savait aussi qu'on ne mélangeait pas les couleurs. Il ne s'était jamais douté que cela lui servirait aussitôt.

Finalement, il était le plus jeune, mais le plus... disons... capable!

Il jeta un oeil dans les bas à linges... nan mais n'importe quoi... Il désigna le bac.

-Austin, c'est toi, ça? Je vois ses draps avec des fringues colorées. Je serais toi, je les mettrais dans deux bacs séparés...

Il avait réussi à ne pas plus penser à la nouvelle que venait de lui dire Scipio. Enfin le serveur était certain d'avoir raison qu'il s'agissait de sa frangine et il n'était pas prêt d'en démordre. Parce qu'il était tout concentré à son ménage ou du moins à son écopage qu'il n'était pas très attentif aux bruits alentour. Il fit donc un saut quand le seau et une nouvelle serpillière firent leur apparition devant lui. Il tomba à la renverse quand elle prononça quelques mots. Enfin, il se retrouva surtout assis sur les fesses et dans l'eau.

*Pourquoi ça tombe toujours sur moi ?*

- Merci, Lena et non aucun problème comme tu peux le voir.

L'américain s'était senti obligé de la remercier également quand le petit jeune l'eut fait. Alors que le lycéen était en train d'éponger tout comme Austin, il l'entendit murmurer entre ses dents.

- Et vous vous calmez tous ! Je n'ai pas mis cette foutue machine en route à la fin ! Je sais que je suis con mais quand même.

Bah oui, il en avait un peu marre qu'on lui mette toutes les catastrophe de l'appartement sur le dos parce qu'il avait eu le malheur d'oublier de refermer le robinet de la baignoire, la fois ou il avait voulu prendre un bain. En plus ce n'était pas de sa faute, vu qu'on l'avait envoyé faire les courses sur le champ et qu'il n'avait pas pu aller fermer l'eau qui coulait. Enfin, ce n'était pas le sujet du jour.

Et il en prit de nouveau pour son grade. Aymeric demanda tout en l'accusant d'avoir mélangé couleur et blanc ensemble.

- COMBIEN DE FOIS VAIS-JE DEVOIR REPÉRER QUE CE N'EST PAS MOI ?

Austin s'était relevé et était rouge de colère. Il balança la serpillière dans le seau toujours de colère.

- Non, ce n'est pas moi ! Ceux ne sont pas mes draps vu qu'ils ne sont pas de cette couleur ni mes fringues. Enfin à part celles qui sont devenues ROSES.