Shbam! (libre)

Ces derniers jours, le temps était au beau fixe. Alors bien sûr, Haley avait décidé d'aller faire un petit tour. Il avait apporté son appareil photo, au cas où. Il marchait donc, ne regardant pas où il allait, tout occupé qu'il fut à régler son objectif et sa focale. Notez la contradiction: il avait décidé d'aller se promener dans le parc histoire de prendre en photo un aspect intéressant du paysage et... il ne regardait pas ledit paysage. Mais bon, son appareil lui avait coûté une fortune et il était hors de question qu'il le pète.

Et bien entendu, quand on dit ça qu'est ce qui arrive? Mais ce n'est pas encore le point. Il avait acheté son appareil, un modèle ancien, de collection, chez un brocanteur spécialisé. Il avait fait monter le prix et toutes les économies qu'il avait faites y était passées. Alors évidemment, ce bijou était devenu la prunelle de ses yeux. Il l'emmenait partout avec lui et prenait tout et n'importe quoi en photo. Les arbres, les personnes qu'il trouvait intéressantes, la mer, les voitures, les bus et j'en passe.

Donc, comme je disais, il ne regardait pas vraiment où il allait, tout occupé qu'il fut à régler son objectif et sa focale. Il ne vit donc pas le petit garçon qui avait bâti un immense château dans le bac à sable, la maman qui allaitait son enfant près d'une fontaine, un arbre qui avait la forme du penseur de Rhodin ni même le groupe de jeunes danseurs de hip hop qui faisait une démonstration. Non, ce qu'il voyait lui, c'était que son objectif était encrassé et qu'il devait le nettoyer.

Aussi, il ne vit pas la personne qui marchait devant lui. Sauf qu'il marchait plus vite qu'elle. Et...

SHBAM!!!!!

Il lui rentra en plein dedans et se retrouva avec son objectif dans la main, l'appareil dans l'autre. Il resta un instant, ahuri, à regarder ce qui lui était arrivé, incapable de comprendre comment il avait cassé son super appareil photo.

Kristen vivait un jour « sans ». Oui, vous savez, le genre de jour pourri qui donne envie de tuer des gens au hasard dans la rue, qui donne envie de tout casser et de manger du chocolat sans s’arrêter.

Plus rien n’allait ses derniers temps. Elle était fatiguée, assez tourmentée, sensible, agressive et.. Surtout très sensible, en faite. Elle s’énervait pour rien, contre tout le monde. Et c’était pire que saoulant à la longue. Elle énervait ses amis qui se mettaient, pour la plupart, dos à elle, et s’énervait elle même, par la même occasion.

Non seulement, la journée avait été éprouvante, mais en plus, elle était complètement sur la paille. Ce n’était pas trop commun, étant donné que ses parents lui donnaient de l’argent chaque mois pour payer son appartement, sa nourriture et ses besoins quotidiens, comme un capuccino après deux exams ratés, une dispute et une multitude de mauvaises nouvelles, par exemple.
Un euro et quarante quatre centimes. Tout ce qui lui restait. Manquant de taper un scandale dans le café, une bonne femme, assez aimable pour financer sa boisson lui a avancé l’argent qui lui manquait.

Elle marchait maintenant, assez rapidement, pour rentrer chez elle et descendre sa mère au téléphone. Ca commençait à bien faire cette situation. Elle était au bord de la saturation. Elle amena le gobelet à ses lèvres et bu une gorgé. Elle s’arrêta près d’un banc, déposa son sac et retira sa veste dévoilant son débardeur blanc, qu’elle avait acheté une fortune dans une boutique de bourges. Elle essuya son front transpirant et resserra sa queue de cheval. Elle empoigna son sac de cours et repris son gobelet. Elle continua sa marche rapide, puis elle entama une recherche courageuse de son I-POD dans le fin fond de son sac de cours. Elle l’alluma et aucune musique ne sortis des écouteurs. Effectivement, ils étaient complètement éventrés. Ils avaient du se couper entre ses cahiers (faut dire qu’elle ne les avait pas sortis avec une très grande délicatesse). Elle tenta de boucher le trou des écouteurs, et quelques bouts de la chanson parvenaient à ses oreilles.

Ses écouteurs cassés, une chaleur oppressante, une boule de stress dans la gorge et une migraine naissante. Des sueurs froides coulaient le long de sa colonne vertébrale. Les larmes menaçaient. Rien n’aurait pu être pire..

Quand quelqu’un fonça sur elle. Le couvercle de son gobelet gicla et le contenu de son cappuccino qu’elle avait galérer pour avoir se renversa sur son t-shirt qui lui avait coûter la peau du cul, et en plus, sur son I-POD. Sa poitrine brûlait et son lecteur se coupa à cause du liquide. Elle regarda son interlocuteur. Elle venait de casser son appareil photo. Elle se mordit la lèvre.

- Mon Dieu, je suis désolée !

Tout occupé qu'il était à observer son appareil cassé, Haley ne prêta d'abord aucune attention à la jeune femme. Il essayait de voir comment il pourrait le réparer. Ca semblait impossible, même pour lui. Les larmes aux yeux, il prit enfin conscience de la présence de la jeune femme lorsqu'elle lui parla. Il n'avait pas vraiment écouté ce qu'elle disait mais le ton semblait être à l'excuse.

Il leva la tête vers elle, lentement. Il aurait aimé pouvoir lui dire que ce n'était pas grave mais... c'était trop grave. Il ne put s'en empêcher et lui jeta l'objectif cassé en pleine poitrine. S'il avait l'air d'un abruti, ses yeux ne mentaient pas sur la haine qu'il portait à la jeune femme en cet instant funeste.

- Y a pas de quoi l'être! dit-il froidement. C'est pas réparable!

Il rangea l'appareil dans son sac, se concentrant minutieusement sur le moindre de ses mouvements, comme il en avait l'habitude. Haley n'était pas quelqu'un de naturellement rapide. Il prenait toujours un maximum de précautions, ce qui le rendait même extrêmement lent.

Une fois son entreprise terminée, il posa sur elle un regard tout à fait normal, plutôt amical même avant de lui décocher un super sourire. Il avait presque oublié qu'il venait de lui jeter un truc dessus. Après tout, ce n'était pas vraiment grave. Elle avait juste cassé son appareil. Il n'y avait pas de quoi en faire un drame. Bon, d'accord, il lui avait jeté un truc à la gueule et avait sûrement dû lui faire mal. Mais de ça non plus on n'allait pas en faire un foin.

En plus, elle était plutôt jolie la demoiselle! Le conflit pourrait certainement se régler autour d'un repas puis dans un lit, le sien par exemple. Par exemple! Après, c'était au bon vouloir de la demoiselle. De toute façon il s'en foutait, il avait un edito à finir, un artcile à écrire, une interview à préparer et un dîner chez Hoki Sushi avec sa secrétaire pour parler d'une promotion qu'il ne lui donnerait de toute façon pas. En bref, il n'avait le temps ni d'être regardant, ni d'être hautement sympathique.

- J'vous ai pas fait mal au moins? dit-il sans prendre la peine de s'excuser.

Maisi l n'avait pas à s'excuser de toute façon. C'est elle qui s'était mise sur son chemin, pas l'inverse. C'est elle qui avait cassé son appareil photo, pas l'inverse. C'est elle qui ne regardait pas où elle allait... oui enfin... bref, là n'était pas le sujet. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il remarqua le café qu'elle avait renversé sur elle. Bah si en plus elle était maladroite... là... il n'y pouvait rien.

Il tenta de ré emboîter son appareil et son objectif, mais cela semblait presque impossible. Elle se sentait mal, son appareil était très beau, et ce n'était pas le genre de modèle que l'on voit dans les vitrines des magasins. Il devait coûter une fortune, tout comme son t-shirt ou son I-Pod, qui étaient tout les deux fichus, aussi.
La colère montait en son interlocuteur. Elle eut un mouvement de recul, puis il lança son objectif contre sa poitrine brûlante. Elle eut l'effet d'une claque sur un coup de soleil et son regard lui glaça le sang. Elle se sentait honteuse, mais ni l’un ni l'autre n'avait regarder ou il marchait.

- Y a pas de quoi l'être ! C'est pas réparable !

Son ton était plus que glacial et elle fit un pas en arrière. Il rangea son appareil photo et elle jeta le gobelet maintenant vide de son Capuccino dont elle n'avait même pas pu profiter, dans une poubelle qui se trouvait à leurs cotés. Puis elle retourna la tête vers lui. Elle s'attendait maintenant à un tas d'insultes de sa part, des demandes de remboursement etc. Mais elle fut surprise en examinant l'expression qu'avait son visage. On aurait dit que rien ne s'était passé. Elle haussa les sourcils. Elle venait de se préparer mentalement a se faire jeter comme je sais pas quoi, pour rien ?
OK. Maintenant c'est presque si il la reluquer. Elle resta bouche bée sur le coup. Il était hyper bizarre ce mec.

- J'vous ai pas fait mal au moins ?

Elle secoua la tête.

- Comme si ça pouvait vous importer de toute façon.

Elle n’avait pas spécialement mal à cause de ça. C’était le fait que tout s’enchaîne et que tout s’abatte sur elle aujourd’hui. C’était la goûte d’eau qui faisait déborder le vase, c’était clair. Elle était en colère, disapointé, pressée de rentrer. Elle regarda son I-Pod. Il était mort. Elle tentait désespérément de l'allumer, mais rien. Elle pris son t-Shirt du bout des doigt et le décolla de sa poitrine. Elle souffla. Si seulement elle n’avait pas pris la direction du parc et qu'elle avait continué sur le centre ville, elle serait peut-être près de chez elle, maintenant. Quelle journée de merde, fallait le dire.
Elle avait envie d'hurler, de pleurer et de lui mettre une baffe.