Full Moon

Musique d'Ambiance

Un kiosque, au milieu du parc, l'endroit privilégié pour n'importe quelle paire d'amoureux. Le paysage était paisible sous la lueur des étoiles, dont les mouvements formaient des trainées diversent dans cet indigo sombre. La Lune reignait sur ce royaume unique, celui que tout à chacun désirait un jour pouvoir éffleurer. Majestueuse, elle plantait sa présence, s'imposant naturellement à tous. Une paire d'yeux ne pouvaient se détacher d'elle... L'or se fondant en iris uniques. Une brise légère vint soulever la chevelure bronze qui venait se mêler en mèches à ses longs cils bruns.

Bras posés sur la rembarde du kioske, une silhouette élancée se découpait du paysage. Une respiration , inégale, essouflée brisait le silence.

Ruby avait courru désespérément. Il y avait un moment qu'il avait arreté le sport, pourquoi ? Et bien, pour avoir une série de cicatrices toutes plus effrayantes les unes que les autres. Il avait réussit à garder le secret de tout ceci, seule Mary connaissait l'existance de ce qui défigurait son corps parfait. Il avait été cloué au lit un moment avant de pouvoir reprendre les prémices d'une vie ordinaire. Et quelle vie ... ne pouvoir bouger comme on le souhaitait, être déchiré de douleur constament, devoir arreter de vivre sinon paraitre. Sa respiration était sifflante, il s'était forcé à arrêter le football, le sport qui rendait fier son père, le passe-temps qu'il partageait avec ses deux meilleurs amis ... Son poing frappa le bois alors qu'il délaissait l'astre nocturne des yeux.
Sa course... il avait perdu toute endurance, tout souffle. Enragé de ne plus avoir comme activité qu'à tourner en rond, la folie s'était éprit de lui, il avait fuit la maison, courant du plus fort qu'il pouvait, forçant ses jambes à former des enjambées régulière. Il en avait oublié un instant la douleur tant elle tirait ses muscles, et bientôt avait réussit à parcourir un bon chemin avant de ressentir la fatigue. Elle s'était effondrée sur lui, sans prévenir. Très vite un point de côté s'immisa entre ses côtes, ses foulées étaient moins grandes, de moins en moins régulière, l'air qu'il inspirait brûlait sa trachée, il s'affaiblissait, se forçant, combattant l'épuisement, mais rien n'y faisait, il sentit le goût du sang dans sa boucheet n'était pas encore arrivé à l'orée du parc... Combat contre lui même, sa course était faible et désespérée, il devait l'accomplir... Il avait passé le portail, le sol devenant inégal sous ses baskettes, le parc ne faisait qu'amplifier son essoufflement. Il n'entendait plus que sa faiblesse se répercuter dans le parc.
Le kioske présenta alors un abri, dans lequel il se jeta. Il s'effondra sur le parquet vieillit et usé, sa peau brûlante se heurtant contre la dureté du sol. Il crut que sa cage thoracique allait exploser tant elle se gonflait. Il avait les larmes aux yeux... courrir était une forme de liberté, sa forme de liberté... Sentir la vitesse secouer ses cheveux ou bien ses vêtements, reprendre conscience de ses muscles ... Et maintenant il était là... effondré sur le sol, seul, enchainé à sa douleur.

La nuit était tombée depuis. Non, il ne s'était pas inquiété de ce que son petit frère ou bien Mary pouvaient bien penser à son propos... s'ils s'inquiétaient ou bien l'ignoraient totalement. Non tout cela n'avait plus aucune importance. Il avait perdu sa liberté, la seule chose qui pouvait le faire se sentir ordinaire parmi cette foule de photographes...

A présent, il s'était remit debout, regardant la Lune de ses yeux vides et tristes. De toute manière le parc était vide.

Le succès, la popularité...
Le rêve inaccessible de bien des personnes n'est-ce pas ? Pourtant lorsqu'on l'obtient enfin sommes-nous pour autant différents des autres ? Peut-être. Ou peut-être pas.

La nuit était claire ce soir, et la silhouette qui se déplaçait lentement dans le parc sombre semblait avancer sans but précis, pensive.
Shun soupira, se passant la main dans les cheveux. Son pauvre cerveau était bien malmené ces derniers temps, le bel asiatique sollicitant ses méninges sans pitié sur mille et un sujet. Il se laissa tomber contre un arbre et blottit sa tête entre ses bras, essayant d'éclaircir ses pensées. Tout d'abord ses notes n'avaient jamais été aussi basses, même si il fallait avouer que ça ne le gênait pas plus que ça... Le problème que cela posait était tout autre : sa mère commençait à grimacer devant les résultats de son fils et tenaient depuis quelques temps des discours curieux sur un possible rapatriement direct au Japon, puisque la France ne semblait pas donner au jeune homme une grande motivation…
Shun gémit, sa mère était parfaitement au courant qu'il n'était ici que pour le Conservatoire, et savait également qu'il ne tenait absolument pas à abandonner cette option. Sauf qu'il était relativement allergique à tout ce qui pouvait se rapporter à un cours et n'avait cependant aucune envie de rentrer dans le pays natal de ses parents, et d'abandonner par la même occasion la musique et tous ses projets pour une école stricte qui lui ouvrirait les portes d’il ne savait quel métier prestigieux, décidé par ses parents bien sûr.

Enfin ce n'était pas vraiment ça qui lui plombait le moral ce soir, même si ça ne le lui remontait pas vraiment... Pas plus que les articles de quelques journaux à scandale à son sujet, il s'en fichait royalement.
Ce qui l'inquiétait était quelque chose de tout autre, ou plutôt quelqu'un : qu'avait Ruby ?
Pourtant celui-ci semblait être tout aussi bien que d'habitude aux yeux de la plupart, du moins c'est ce que Shun pensait. Mais il avait beau avoir tenté de s'en persuader une scène lui revenait encore et encore en mémoire, celle où Ruby les avaient interrogés, lui et les autres « vip », sur leurs activités de la semaine. Jusqu’ici il aurait simplement pu penser à une sorte de blague ou quelque chose dans ce goût là, mais il ne pouvait en démordre : la star de l’université cachait quelque chose.
Il se demandait quelle pouvait en être la teneur… et savoir que le jeune homme n’en ait pas parlé n’était pas pour le rassurer. Enfin pas à lui en tout cas.

* … tu t'fais des idées mon vieux… *

Dans le silence qui régnait seul le souffle discret du musicien résonnait paisiblement, l’étui à guitare dont il ne se séparait pour ainsi dire jamais à ses côtés. Rien de tel pour se calmer, la musique était un véritable remède miracle.
Il commençait à somnoler lorsqu’un bruit de course se fit entendre. De qui pouvait-il bien s’agir à cette heure ? Il se redressa aussitôt, resserrant sa prise sur la bandoulière de sa house et se remémorant ses cours de self-défense. Il avait beau ne pas être doué en sport, en étant fils de bonne famille et surtout de célébrités il avait pris très tôt des cours afin de pouvoir se défendre en cas de problème. Ca se tenait.
Mais il fut bien vite fixé, l’ombre qui courait semblait fuir, loin d’être agressive…
Curieux Shun se redressa et fit quelque pas alors que l’inconnu pénétrait dans le kiosque. De qui pouvait-il bien s’agir ? C’est alors qu’il s’écroula, et le jeune asiatique fronça les sourcils, préférant ne pas s’approcher, sans savoir vraiment pourquoi. Il attendit un long moment avant d’entreprendre de se diriger lentement vers le kiosque, dans l’ombre des arbres. Soudain l’homme se redressa, alors qu’un rayon de lune éclairait son visage.
Shun s’immobilisa, bouche bée. Dissimulé dans l’obscurité il observait Ruby Sheperd.
Il ne pris pas le temps de réfléchir et sortit de l’ombre, approchant au pas de course, courant presque, son étui ballotté dans son dos. Le flegmatique Shun paraissait bien agité et les pensées se bousculaient dans sa tête.
Tout ceci était bizarre, que pouvait- il bien arriver à son ami ? Il l’avait vu s’écrouler. Lui. Connu pour ne jamais flancher.
Le jeune homme rejoignit rapidement le kiosque et les sourcils froncés ses yeux bridés étincelèrent.

-Ruby… Qu’est-ce que… ?

Shun avait beau être vraiment mince il n’avait rien d’un gringalet, mais il n’empêchait que son ami le dépassait généreusement. Ce dont il ne tenait absolument pas compte et il on se fit soudain glacial, comme s’il se déchargeait enfin de tous ses soupçons.

-Dis pas que t’as rien maintenant, à moins qu’tu me prennes vraiment pour le dernier des abrutis !!

Il avait presque crié ses derniers mots ce qui l’étonna lui-même. Il ne sortait jamais de ses gonds d’ordinaire, enfin rarement. En tous les cas il enchaina aussitôt, même si ces paroels pouvaient pareitre mal venues à cet intant.

-Tu crois vraiment faire illusion ? Perte de mémoire, plus de sport, t’éludes les questions et j’en passe…

Shun se força à reprendre le contrôle de lui-même et inspira profondément, récupérant son visage habituel, calme… bien que son sourire ironique ait été remplacé par la ride de contrariété qui serpentait entre ses deux sourcils. Et puis il était inutile de s'appeler Einstein pour remarquer la respiration lourde et inégale de Ruby.

-J’en ai ma claque, je veux des explications. Et il te faut un médecin.

Dans les yeux de Ruby le jeune homme lu de la surprise et autre chose… de la peur ? De l’inquiétude ? En tous les cas son visage immobile ne suffisait pas à dissimuler cette émotion que Shun ne pouvait déterminer avec certitude, comme si ses prunelles hurlaient ce que ressentait son ami dans un langage qu’il ne parvenait pas à comprendre complètement.
C’est alors que sa respiration s’accéléra, lourde, presque difficile. L’asiatique sentit l’inquiétude monter en lui mais n’ajouta rien, ses sourcils se fronçant seulement d’avantage lorsqu’aucune parole ne fut produite par Ruby alors qu’il ouvrait la bouche, visiblement dans cette intention.
Shun avait déjà sortit son portable, prêt à appeler de l’aide, cependant au simple mot que lui adressa Ruby il interrompit son geste, laissant son bras retomber le long de son corps.

"Il n'y a pas d'explication."

S’il avait voulu rassurer son ami ou éviter ainsi ses questions il s’était trompé, et ces paroles ne firent qu’augmenter l’anxiété du guitariste.
Et il avait beau paraître plus sûr de lui que précédemment son regard clos démentait cette attitude, et Shun ne bougea pas le moins du monde.

-Pas d’explication…

Au moins il n’avait pas prétendu qu’il n’y avait rien. Il fixa son regard noisette sur Ruby et n’ajouta aucun mot, bien que les pensées se bousculent dans sa tête.
Il finit par soupirer et détourna la tête, s’appuyant sur la rambarde du kiosque. Shun avait enfin récupéré son calme olympien, du moins en apparence…
Machinalement il cueillit une des fleurs qui s’enroulaient autour de la rambarde, le végétal fané s’effritant ntre ses doigts. Fané ? Les beaux jours arrivaient pourtant…
Il ne s’arrêta pas sur ce détail et reprit enfin la parole d’un ton calme, chaque mot étant prononcé tels qu’il l’aurait été dans une conversation banale.

-Donc tu veux que je ferme les yeux et que je m’en aille comme si de rien n’était c’est ça ? Avec ma guitare sur le dos et les mains dans les poches…

Une voix totalement calme. Et celle qui précède en général les remarques acerbes aux gens qu’il ne supporte pas. En d’autres termes celle qui indique qu’il est mécontent. Les colères de Shun étaient rares et mais se trahissaient souvent par une froideur exceptionnelle, cassante voire cruelle, qui pour beaucoup se révélait bien plus terrifiante que s’il ne s’était mis à brailler sans fin.

-Je suppose que t’as raison… J’ai dû me faire des idées. Toi qui cours en pleine nuit et en ressors complètement vidé, avant de t’écrouler dans le kiosque. Toute ta superbe envolée et tu ne veux pas que j’appelle un médecin. Je te crois évidemment, pourquoi est-ce qu’il y aurait une explication ? C’est ridicule.

Relevant la tête il eut un sourire dénué de toute joie, plantant ses yeux accusateurs, en cet instant presque durs, sur son ami.

-Il s’est passé quelque chose, et tu pourras dire ce que tu voudras j’en démordrai pas. J’aurai simplement pensé que tu me faisais suffisamment confiance pour m’expliquer mais encore une fois j’ai dû me tromper.

Il croisa les bras, haussant vaguement les épaules. Il laissa son regard errer dans le parc et attendit une quelconque réponse de Ruby, ne se décidant pas à le questionner. Il était simplement là, attendant. A la simple pensée que Ruby pu être malade il serra la mâchoire, espérant que la raison était tout autre. Mais à vrai dire il ne voyait pas vraiment de quoi il aurait pu s’agir d’autre, et était prêt à laisser le silence s’éterniser jusqu’à ce que le jeune homme parle ou accepte d’être emmené à l’hôpital, ou au moins de passer des examens.

Musique d'Ambiance

Il savait très bien que ce qu'il venait de dire n'offrait pas une réponse suffisante à Shun. Il s'enfonçait dans l'ombre de la bâtisse alors que son ami continuait d'avancer vers lui, bientôt son dos heurta l'autre rambarde, il était dans le noir le plus total alors que l'asiatique était baigné de cette lumière lunaire. Métaphore des plus intéressantes... Alors que Shun semblait découvrir un bout de la vérité, ouvrir les yeux sur la réalité cachée par Ruby, ce dernier s'enfonçait dans son sombre secret.
Il prit appui sur le bois, baissant le visage, écoutant les mots inquisiteurs de son ami. Comment pouvait-il se sortir d'un traquenard pareil ? Il était épuisé, physiquement, de par sa course effrénée, mais moralement plus encore... pour avoir tenté de protéger tout ceci du regard des autres. Il s'efforçait de se calmer, de faire de la place dans son esprit pour se remettre à réfléchir mais rien n'y faisait, son corps entier accusait le coup de ce stress soudain. Ses mains tremblaient, ses genoux donnaient l'impression qu'ils allaient flancher à tout moment. Il ne put répondre à la conversation solitaire du guitariste tout de suite, le laissant parler et devenir plus acide à chaque mot qu'il prononçait. Il le connaissait très bien, pour l'avoir observé au nombre d'années... Plus cela allait et plus il allait devenir méchant. Ses colères n'était jamais éphémères... s'il ne lui répondait pas quelque chose de satisfaisant, il risquait fort de perdre un de ses proches... mais en plus de cela, Shun allait en parler à Megan, qui le réveillerait à Pleasance ... qui s'empresserait d'en toucher mot à Erick... qui allait lui casser la figure en le criant devant Tyler et Rebecca. Il allait tous les perdre. Une réaction en chaîne fortement déplaisante autant pour son image ... que pour l'individu.

Jamais il ne l'avouerait mais Ruby tenait énormément à ses amis... venant de différents horizons, ayant des passions hétérogènes, ils se complétaient de manière déconcertante. Oui, le grand Ruby s'était attaché à ces personnes et renoncer à eux représentait un grand sacrifice. La question était, aurait-il la force et la volonté de se couper d'eux pour garder son secret ?

Sa respiration était devenue légèrement plus calme alors qu'il songea à cette éventualité. C'était possible... il pourrait très bien arriver à des extrêmes comme ceci. Les yeux qu'il ouvrit dans l'obscurité étaient tintés d'une tristesse effrayante, une tristesse que son interlocuteur ne pouvait voir du fait de l'ombre.

C'est sur un ton triste et hésitant qu'il articula.

"Peut-être que oui ... peut-être qu'il vaudrait mieux pour toi de t'en aller."

Froid, peut-être cruel ? Il n'avait pas la tête à s'analyser, tout ce qu'il savait ou plutôt ne savait pas était ce qu'il devait faire. Comment réagir ? Que choisir ? Ses mains tremblaient de manière visible à présent, le jeune homme s'empressa de les cacher derrière son dos. Il ne manquerait plus que Shun remarque ça.

"On n'appelle pas un médecin pour perte de superbe Shun..."

Avait-il rétorqué. Mais il n'avait pas son ton sec, celui qu'il employait toujours lorsqu'il voulait se débarrasser de quelqu'un.
Il n'y arrivait pas, il ne pouvait songer à perdre ses amis pour un truc pareil... Peut-être obtiendrait-il le silence de son ami ? après tout le japonais était réputé pour être une tombe lorsqu'il s'agissait de secrets... Ruby avait souvent tenté de le soudoyer sans aucun résultat. Mais est-ce qu'il pourrait accepter ce genre de "chose" ? Il se contentait de le fixer... cet être dans la lumière, tel un ange... salvateur ?
Sans se rendre compte, ses prunelles couleur miel s'allumaient d'un vert lumineux et fluorescent... impression au départ qui devenait de plus en plus nette alors que son cœur battait à un rythme d'enfer. Il pouvait sentir la colère de Shun et se mettait lui aussi en colère, contre lui-même. Comment se faisait-il qu'il se soit enterré dans pareille situation ? Il rageait à l'intérieur, fou de sa propre inconscience, se mordant la langue alors que les tremblements avaient prit se bras en otages.

"Je ne sais pas ... ce qu'il m'est arrivé."

Lacha t'il entre ses dents parfaitement alignées et serrées au possible.

"Peut-être que oui ... peut-être qu'il vaudrait mieux pour toi de t'en aller."

Dans sa poitrine le cœur de Shun rata un battement. Alors Ruby était vraiment prêt à le laisser dans l’ignorance ? Même s’il risquait d’en résulter une dispute qui pourrait jusqu’à briser leur amitié ?
Le jeune homme ne répondit rien, essayant de se persuader que la tristesse qui avait percée dans sa voix était bien réelle. Peut-être…
Et peut-être que le mannequin n’était pas du tout malade.
Des mots défilèrent dans l’esprit de l’asiatique : drogue, chantage et autres lui apparurent comme autant de réponses possibles à ses questions, sans qu’il puisse imaginer le jeune homme en être esclave.
Mais lorsque Ruby fit remarquer « qu’on appelait pas un médecin pour perte de superbe » la réplique de son ami jaillit aussitôt, cinglante.

-Dans ton cas si.

Bras à présent croisés sur la poitrine Shun s’appuyait de nouveau sur la rambarde.
Le visage calme mais fermé ses traits fins étaient emprunts de dureté, signe d’une anxiété à peine reconnaissable pour qui ne le connaissait pas.
Il ne comprenait pas et c’était justement ce qui l’énervait, son sentiment d’impuissance et d’incompréhension étant finalement plus irritants que le refus de son ami d’avouer ce qu’il s’était passer. Depuis maintenant quelques temps il soupçonnait que quelque chose était bien arrivé, plus par instinct qu’autre chose. Mais habité par ce sentiment le moindre détail n’avait fait qu’augmenter cette impression de « secret », malgré qu’il eu souvent la sensation de devenir parano.

"Je ne sais pas ... ce qu'il m'est arrivé."

Shun releva la tête, presque étonné que son ami ait enfin répondu. De nouveau un silence plana, et l’asiatique se passa la main sur les yeux lorsqu’il lui sembla que le regard de Ruby avait perdu son habituelle couleur dorée pour un vert étincelant. Il ne savait plus que penser, et commença à se demander si ce qu’il voyait était bien réel lorsqu’il se redressa, les prunelles du mannequin toujours teintée de vert.
Ce fut cependant le ton de Ruby qui l’inquiéta, il avait l’impression qu’il était sincère. Et voir le jeune homme habituellement sûr de lui dans cet état le perturbait. Il se mordit l’intérieure de la joue et de nouveau son regard s’égara dans le parc sombre, jusqu’à la statue pleurant. Tandis qu’il essayait une dernière fois de ce persuader que le vert des yeux de Ruby provenait de la lumière (quelle lumière ?) ou d’un quelconque problème de vue (alors qu’il avait toujours eu une excellente vue).

-Alors comment tu sais que c’est arrivé ? Qu’est-ce qu’il s’est passé bon sang ? J’me pose une tonne de questions et jusqu’ici j’ai pas vraiment eu de réponses…

Bon… argument un peu exagéré, il n’y avait pas une multitude de questions en fait, seulement une pour le moment.

Ruby semblait mal. Vraiment mal. Son ami ne l’avait d’ailleurs jamais vu ainsi, et alors qu’il se demandait un instant si tous ses doutes n’étaient pas que des illusions il changea bien vite d’avis. Quelque chose ne tournait pas rond, et il était toujours déterminé à découvrir quoi. En tous les cas le rire de Ruby lui glaça le sang, son visage se fermant d’avantage tandis que montait en lui une sourde inquiétude, couvant depuis de longues journées maintenant.

[/i]"Tu me demande comment je sais qu'il m'est arrivé quelque chose ? Tu es moins observateur que tu n'en as l'air... Comment sont arrivées mes blessures selon toi ?"[/i]

Shun serra les dents, se maudissant. Passer à côté d’un tel détail ? Il était décidément un ami bien pitoyable.
En face de lui le jeune homme ne cessait de trembler, évitant son regard. Quant à l’asiatique il était totalement silencieux, pourtant connu pour ne jamais être à court de répliques. Comme pour se donner une contenance et échapper à la vision de Ruby ainsi diminué il se détourna, dirigeant une fois de plus son regard sombre sur les parterres de fleurs entourant le kiosque.
Une minute… Pourquoi lorsqu’il était arrivé il n’avait pas remarqué qu’elles étaient… fanées ? Il toussa légèrement et fit quelques pas, sourcils froncés. C’était impossible… Devant ses yeux fanaient les fleurs qui ne l’étaient pas encore, réduites en quelques secondes à l’état de cendre. Shun, obsédé par cette vision, finit par secouer la tête, bien décidé à déguerpir d’ici en emmenant son ami avec lui. Il se passait de drôles de choses…

Cependant il y avait quelque chose qu’il n’avait pas prévu, c’était que lorsqu’il se retourna un espèce de halo verdâtre, malsain, entourait Ruby.
Shun recula, bouche bée, remarquant malgré tout la rage qui se lisait sur les traits de son ami.

-Ruby ?

Sa voix était quelque peu diminuée, incertaine, reflétant son étonnement.

-C’est pas vraiment… normal j’crois.

L’inquiétude qu’il ressentait s’accentua davantage encore, mêlée d’une sorte de peur instinctive devant l’aspect irréel du jeune homme. Il n’avait jamais été peureux, et s’accommodait en générale de la situation, quelle qu’elle soit. Cependant maintenant… Etait-ce vraiment son ami devant lui ?
Il toussa de nouveau, se rendant enfin compte que l’air semblait différent comme si, malveillant, il tentait d’obstruer ses poumons.
Le jeune musicien s’exhorta pourtant au calme, principalement devant les traits douloureux de Ruby. Mais qu’est-ce qu’ils avaient bien pu lui faire subir ? Il prit sur lui, se calmant au maximum. De toute évidence le mannequin avait besoin d’aide, et il c’est ce qu’était censé apporter un ami non ?
Pourtant lorsqu’il ouvrit la bouche pour reprendre la parole il fut coupé par une nouvelle quinte de toux, avant de reprendre une respiration difficile. Il s’agrippa fermement à la rambarde lorsqu’un léger vertige le saisit. Il était hors de question qu’il flanche ici et maintenant. Il avait l’impression que ce qui semblait émaner de l'épiderme de Ruby était la cause de son état, mais cherchait à s’en dissuader tout en recherchant une hypothèse valable. Sauf que bien entendu aucune ne lui vint à l’esprit.

-Je m’attendais pas à ce genre de réponse quand je demandais… ce qu’il t’arrivait.

Il aurait selon son habitude bien tenté une petite phrase ironique, en une tentative pitoyable de « détendre » l’atmosphère, mais la soudaine faiblesse qui l’envahissait semblait intimer à ses jambes de cesser de le porter, et à son organisme de ne pas accepter l’oxygène de l’air environnant.