Pimousse!!!

Il n'aimait pas vraiment ça... enfin, il n'avait jamais aimé ça... Mais depuis une semaine qu'il était de retour, après sa mystérieuse disparition et sa guérison, aller au lycée ne lui posait plus vraiment de problème.
Il relativisait. Il savait seulement qu'il avait bien failli crever... mais de quoi? Il ne savait pas. Il n'avait aucun souvenir de son enlèvement. L'avait-on seulement enlevé? Certainement... il ne se serait pas infligé tant de blessures tout seul!

Il relativisait. Il y avait pire que le lycée. Il le savait. Il y avait la maladie, les traitements étranges et douloureux... et l'amnésie... Mais ça, il n'en dirait jamais rien.

Ceci dit, il n'était pas studieux pour autant. Il n'avait pas perdu ses bonnes mauvaises habitudes de dessiner sur ses feuilles de cours et griffonner des notes de musiques sur ses copies...
Il était toujours là, le petit de la classe, le gringalet de service, le mec qu'on repérait à peine, sauf quand il vous regardait de ses magnifiques yeux gris-bleus.
Et puis, quand même, il avait ses amis, au lycée... et ça, il ne s'en passerait pas!

Mais pffff.... Comment dire à cette fille qu'on voudrait l'inviter prendre un verre? Pourquoi était-il toujours aussi timide? Il dessina quelques cases, pour un BD ou un gringalet serait le héros, ou le timide pouvait inviter l'élue de son cœur...
hélas, ce n'était qu'une BD! Rien à voir avec l'affreuse réalité!

Une ombre passa au-dessus de son épaule... Bien sa veine! Quelqu'un devait voir sa BD avec l'héroïne et l'adolescent réservé... Pourvu que ça n'attire pas les rires! Il rangea son dessin vite fait...

Briana marchait seule ce matin là, fait relativement étrange. Sans compter le fait qu'elle avait l'air perdue dans ses pensées : ce n'était pas dans sa réputation de se balader seule avec l'air pensif, il fallait bien l'avouer. En fait, elle cherchait juste un moyen d'approcher Ruby de plus près, sans pour autant y parvenir. Elle se trouvait dans le parc du lycée, en direction de la sortie, plutôt prête à sécher les cours. Après tout, à quoi pourrait bien lui servir un stupide cours de philosophie ? Elle n'était pas réellement brillante, de toute façon. Mais elle s'était toujours dit que sa beauté & sa classe naturelles sauraient compenser ce petit manque intellectuel. C'était d'ailleurs vrai dans la plupart des cas.

Alors qu'elle avançait, regardant droit devant elle, elle ne remarqua pas le jeune homme assis dans l'herbe, en train de dessiner. Elle failli le percuter mais réussit à se reprendre de justesse, manquant de s'écraser sur le sol. Heureusement, elle n'avait rien, mais son talon était véritablement foutu. En effet, mettre des chaussures à talons hors de prix d'une dizaine de centimètres pour marcher dans l'herbe n'était peut-être pas un choix très judicieux... Mais ce n'était pas de sa faute, comme toujours. & en l'occurrence, le responsable de son malheur était Aymeric Weldmann. Avait-on pour idée de se mettre à dessiner en plein milieu du parc ?! D'autant plus qu'elle avait rapidement pu voir ce dont les dessins traitaient... Encore un adolescent désespéré. Elle le connaissait à peine, juste de nom & de vue, mais il n'était clairement pas le genre de garçon avec qui elle pourrait sortir. Il était un peu trop... comment appelait-on ça déjà ? Ah, oui, geek. Un excellent souffre douleur, en fait.

Il ne te viendrait pas à l'idée de ne pas te mettre en travers de mon chemin, Weldmann ?!

Elle avait dit ça sur un ton brusque, sans concession, comme à son habitude. Elle aimait bien appeler les gens qu'elle méprisait par leur nom de famille, histoire de leur montrer qu'elle se considérait comme nettement supérieure à eux... Un rien énervait Briana, & dans ces cas là, elle savait se montrer très féroce.

Arf... décidément, il jouait de malchance... que n'importe qui voie ses dessins, encore, ça pouvait aller... Mais non, ça ne suffisait pas comme ça! Il fallait que ce soit Briana... Bombe physique mais zéro cervelle! Une peste quand elle s'y mettait... et hélas pour lui, Aymeric était tout à fait le type de Briana... pour jouer les souffre-douleur! Il n'avait jusque là pas vraiment eu le loisir de subir Brianna...

Cela n'allait plus tarder!

Satanée timidité! Il ne pouvait pas être plus grand, plus courageux, plus extraverti? Hé bien non! En dehors de son savoir encyclopédique de Star Trek et Dr Who, il avait des difficulté à parler! Bien souvent, ses dessins ou sa musique parlaient pour lui...

-... Heuu... bah...

*NAN MAIS C'EST SA FAUTE!!!* Il s'énervait... intérieurement! Mais pourquoi ne pouvait-il pas la remettre à sa place, cette pimbêche?

-.... heu c'est Weidmann, avec un i, pas un L... et heu... heu... ça se prononce "vaïdmann"" et heu... heu.... bah....

Allez courage! COURAGE! QUE DIABLE!! Allez, t'es pas un minus! T'es pas un minus, t'es pas un minus!!!

-... heu...

ARF! T'es un minus! Décidément... Aymeric avait besoin de prendre confiance en lui...

Briana commençait à s'amuser devant l'incapacité orale de son interlocuteur. Ok, en plus d'être geek, il semblait complètement attardé. Ça n'allait être que plus facile de l'enfoncer. Dommage, Briana aimait relever des défis. Mais un peu de simplicité ne pouvait pas lui faire de mal, après tout.

"Euh ?" C'est tout ce que tu sais dire, Weidmann avec un "i" & pas avec un "l" ?

Elle riait de la réaction idiote du jeune homme. Sa timidité était tout simplement... hilarante ? Ou alors ridicule, elle n'aurait su le dire. Briana regrettait presque les lycéens qui osaient lui tenir tête, sans pour autant y parvenir. Elle admirait cependant toujours les personnes qui réussissaient à se ridiculiser d'elles-mêmes, sans qu'elle n'ait eu à dire quoi que ce soit.

Elle se pencha, ôta sa chaussure cassée, puis l'autre. Tant pis, elle marcherait pieds nus. Elle trouverait bien un taxi pour la ramener chez elle. Elle garda ses chaussures à la main, en attendant de trouver une poubelle pour les jeter — & ce sans se soucier du fait qu'elle les ait achetées pour plusieurs centaines d'euros il n'y avait même pas une semaine... Enfin. De toute façon, elle ne savait pas où les ranger, son placard de chaussures commençait sérieusement à déborder : il devait bien y avoir une cinquantaine de paires... & oui, le dressing de Briana était, quelque chose comme, absolument gigantesque.

Elle reposa les yeux sur Aymeric. Il ne s'était pas levé, mais si il l'avait fait, il ne se serait pas senti plus à l'aise : même sans ses talons, la belle était toujours plus grande que lui, ce qui était loin d'être flatteur pour un garçon de son âge...

Je constate que tu as un sens de la répartie vraiment incroyable. Je suis frustrée de ne pas avoir pu le découvrir plus tôt !

*RHA! Mais elle va cesser!!!* Non il pouvait dire autre chose, beaucoup de choses, comme "va te faire voir ailleurs..." hélas, ce genre de phrase ne dépassait jamais ses lèvres! Et une colère froide, mêlée la honte le prenait aux entrailles. Il ne parvenait jamais à prendre le dessus. Déjà, il était petit... 17 ans et pas 1m70! Il était sans cesse le plus petit de la classe. En plus, il était maladivement timide, ce qui n'arrangeait rien.

La mâchoire serrée, il la regarda ôter ses chaussures. Elle aurait été sympa, il l'aurait trouvée jolie. Mais là, elle était seulement méchante, gratuitement méchante.
Les yeux de la jeune fille se posèrent de nouveau sur lui. Il ne s'était pas levé - à quoi bon? - et il lui rendit son regard. Tôt ou tard, la cocotte exploserait, à force de ne pas s'exprimer et de tout garder pour lui. Mais ce moment n'était hélas pas encore arrivé!

Elle lui fit une autre petite remarque... Le pire était qu'elle avait raison: il n'avait aucune répartie! Le ridiculiser était véritablement trop facile.

-... qu'est-ce que je t'ai fait à la fin?

Mouais, il n'allait pas s'en tirer avec ça, et il avait plus l'air de Caliméro qu'autre chose. Il se leva enfin... Elle avait environ cinq centimètres de plus que lui... La haine! Elle n'avait même pas ses talons! Il était petit, voilà tout, et il serait petit toute sa vie! Dire que son frère, lui, arrivait presque à 1m80! Puis Johann était aussi un peu plus baraqué! Pas à dire, Aymeric avait la carrure... de sa mère!!!

Il mit les mains dans les poches... Il n'allait pas rester ici à se faire emmerder...

Briana planta son regard dans celui d'Aymeric. Le regard du jeune homme paraissait empli de colère, une haine qu'il n'arrivait pas à exprimer. Cela ne faisait que renforcer son statut de gamin pitoyable & sans courage. Elle avait plus pitié de lui qu'autre chose, en fait, & se demandait comment on pouvait être... nul à ce point ? Elle ne se souvenait pas avoir déjà eu à faire auparavant... tant mieux pour lui, d'ailleurs. Elle regretta de ne pas être en public : une humiliation devant un groupe important de lycéens n'aurait pu que le rendre plus ridicule.

Se sentant d'humeur particulièrement mesquine, elle pencha la tête vers le sac du jeune homme, duquel dépassait la bande-dessinée sur laquelle il travaillait juste avant son arrivée. Elle se pencha — assez près de lui pour qu'il puisse sentir son parfum irrésistible —, & saisit vivement la feuille, histoire de pouvoir l'observer de plus près. Le garçon n'avait pas eu le temps de réagir. Elle osait espérer que c'était parce qu'elle lui avait fait un minimum d'effet. Ce n'était pas qu'elle ait voulu plaire à ce garçon, non, elle savait qu'elle valait beaucoup mieux que "ça". Elle aimait juste déstabiliser les hommes. D'ailleurs, elle était certaine qu'elle aurait pu le manipuler à sa guise... Peut-être que cela pourrait être un nouveau jeu pour elle ? Afin d'oublier Ruby & son mystérieux secret. Se pencher sur le cas d'Aymeric pouvait être intéressant. Ou pas, d'ailleurs, mais elle avait cruellement besoin d'un passe-temps... L'humilier pouvait en être un, mais le manipuler ne serait que plus jouissif.

Elle observa le dessin avec ses grands yeux clairs, & ne put s'empêcher d'esquisser un sourire narquois. Certes, le jeune homme dessinait remarquablement bien, mais... ce que son sujet pouvait être niais ! Il reflétait pleinement toute la timidité qui émanait de lui. Il essaya de lui arracher la feuille des mains, mais elle fit un pas de côté pour l'éviter.

Elle porta à nouveau son regard sur lui, ignorant la précédente question idiote qu'il lui avait posée.

Oh, c'est tellement triste, le petit Aymeric Weidmann aimerait une petite amie mais est bien trop timide pour ça !

Elle le regarda de haut en bas d'un air méprisant, avec un sourire moqueur.

& encore, sil il n'y avait que la timidité...

Elle faisait clairement référence à son physique, & à sa petite taille. En réalité, Aymeric n'était pas tellement moche, il aurait juste certains efforts à faire au niveau de la présentation de ses cheveux & de ses vêtements pour être, disons, plus potable aux yeux de Briana. Mais il restait toujours ce fâcheux problème de taille... Elle soupira, levant les yeux au ciel. Ce pauvre petit était un cas désespéré.

C'était rageant! Il ne pouvait rien faire! Il était complètement démuni en face des filles... Pire qu'en face des mecs, parce que faut le dire aussi, il était tout aussi minable devant un mec qui le malmenait. Aymeric avait une tête de vainqueur en ce sens, et les autres en profitaient, et Aymeric ne parvenait pas à se sortir de ce cercle vicieux!

Et pour couronner le tout... Elle se pencha devant lui... Bon certes, elle était peste, mesquine et tout ce que vous voulez allant avec... Mais elle était jolie... et son parfum arriva aux narines du jeune homme, qui regarda vaguement les courbes de la demoiselle... pendant qu'elle récupérait la BD!

Elle jeta un oeil sur la BD, réagissant un peu trop tard, il vint vers elle, tendit la main pur récupérer sa feuille...

-Rends-moi ça!

Mais elle n'en fit rien, bien évidemment, et elle se mit hors de portée, c'est à dire un mètre plus loin. Aymeric étant trop timide pour oser faire un placage au sol comme un rugbyman...
Et voilà, elle recommença ses moqueries... A la première remarque, il rougit comme une pivoine... c'est pas comme s'il n'avait jamais eu de petite amie... enfin il en avait eu deux dans sa courte vie et ça n'avait jamais duré très longtemps... Mais oui, il avait quelqu'un en vue et était trop timide pour seulement oser l'aborder...

Et donc... La remarque de Briana était on ne peut plus juste... mais blessante tout de même!

Mais le pire fut la remarque suivante... Quel mépris! Elle le regardait de haut, ce qu'elle pouvait faire, elle qui dépassait 1m70, alors que lui plafonnait à 1m68 avec ses semelles de basket!
Il bouillonnait... Il avait envie de hurler, de frapper, de pleurer... bref de tout et n'importe quoi, de faire sortir la rage... Il était petit, pas vraiment populaire, et timide. Le tableau parfait pour rester célibataire toute sa vie.

Il regarda la peste, lui arracha le dessin des mains.
-C'est pas tes affaires.

Il en avait marre de cette humiliation constante... Heureusement, il avait des moments de répit... Quand il était avec ses amis... parce que oui, tous les lycéens n'avaient pas le quotient intellectuel d'une huître et le potentiel de mesquinerie de Briana et compagnie. Aymeric avec des amis, qu'il aimait plus que tout dans ce monde de brutes.

Il allait répondre quelque chose, n'importe quoi... Mais il fut bloqué par sa timidité... Ce n'était pas possible d'être aussi introverti...
Il regarda le gazon... quel beau gazon, dites!!!

Briana ne pouvait s'empêcher de sourire devant la faiblesse d'Aymeric. Ce qu'il paraissait idiot ! Elle s'accroupit, pour se mettre à sa hauteur.

Comme c'est mignon, monsieur n'arrive pas à se défendre. Tu aurais besoin de quelqu'un d'autre, peut-être ? C'est dommage, parce qu'il n'y a que nous deux ! Il va falloir que tu apprennes à grandir un peu, Weidmann. Regarde-toi. Tu as tout juste l'air d'un imbécile, qui croit encore qu'il va pouvoir plaire à une fille. Mais ça ne marche pas comme ça. Tu sais, cela fait bien longtemps que les filles ne craquent plus pour les garçons qui sont trop timides pour faire le premier pas ! Tu ferais mieux de passer à l'acte au lieu de continuer à rêver sur du papier...

Elle avait dit cette dernière phrase sur un ton dédaigneux. Elle se rapprocha de lui, et caressa le visage, doucement. Briana pouvait être... surprenante, parfois. Ou alors tout simplement manipulatrice. Elle savait juste que le petit Weidmann ne saurait lui résister. Ils avaient le même âge, et pourtant, la jeune fille avait l'air bien plus vieille que lui. Elle était certaine qu'elle aurait pu faire du jeune homme absolument n'importe quoi, à partir du moment où elle se serait montrée un peu convaincante. Elle lui sourit. D'un sourire sincère, étrangement contradictoire avec ses déclarations de tout à l'heure. En réalité, elle était juste une excellente actrice...! Elle aurait pu convaincre n'importe qui. Bon, peut-être pas Lilly Swan, sa meilleure ennemie, mais pour le reste des personnes faibles qui peuplaient Trivialle, ça aurait pu aller. Elle planta son regard dans le sien, attendant une réaction de sa part, pour voir si il réussirait à l'envoyer balader ou si il se contenterait de rester immobile, comme d'habitude. Elle avait volontairement rapproché son visage du sien, pour le déstabiliser, et affichait un sourire satisfait. Manipulatrice, vous avez dit ?

OK This is a dream... et Aymeric sortait un bazooka et dégommait Miss Perfidie. A deux mille mètres de là, on retrouvait les restes éparpillés de la pauvre demoiselle, et au pieds d'Aymeric, les escapins encore fumants... Bon, elle avait retiré ses chaussures, qu'importe! Ce rêve était bon!

Mais... le rêve n'est point la réalité, et Aymeric subissait. Il en avait marre de subir. Il subissait déjà les remarques à la maison, et même quand il essayait d'expliquer à ses parents que ce qu'il faisait avait autant de valeur que ce que faisait Johann, rien n'y faisait. Pour les Weidmann, le business comptait plus que l'art. Quitte à être dans la musique, autant être patron de grosse maison de disque, et pas artiste vaguement talentueux qui a peu de chances de se faire connaître! Parce que oui, ses parents ne croyaient pas qu'il puisse réussir autrement que par les études, comme son frère, comme eux... EN gros, ils étaient déçu, et considéraient presque ouvertement qu'Aymeric était un raté. Hélas, tout le monde ne pouvait pas être brillant dans la famille! Il faut bien que le Diable ait sa part, n'est-ce pas?

Briana en rajoutait une couche... que dis-je? La triple épaisseur de polaire! Aymeric était habillé pour l'hiver! Petit minable, il n'intéressait pas les filles, voilà en gros ce que cette "camarade de classe" lui disait!

Passer à l'acte, passer à l'acte! Facile à dire! Quand on a des parents qui réfrènent toute tentative, et quand on est naturellement timide et gentil, on avait le moral au fond des chaussettes, et la volonté qui partait en live, en laissant le pauvre Aymeric tout seul sans plus aucune force.

Test. Un test. Cela y ressemblait. Mais Aymeric était déjà diminué par les paroles odieuses de la jeune fille. Alors quand elle s'approcha de lui, planta son regard dans le sien et lui caressa la joue... Il s'en retrouva chamboulé. Il savait très bien qu'elle s'amusait, et qu'il allait certainement se rendre ridicule une fois de plus, s'il ne faisait rien.
Il ne pouvait pas lui coller une beigne, ce ne serait pas bienséant... mais où était la bienséance avec cette fille, de toute manière?

Elle continuait son manège, approchait son visage du sien, comme si elle s'apprêtait à l'embrasser. *DANGER! DANGER!* Il avait quand même un instinct de conservation, de survie, appelez ça comme vous voulez. Il n'avait aucun souvenir, mais il avait quand même enduré une semaine de torture et de sévices corporels divers. Il s'était réveillé à moitié à vif sur la plage. Il savait qu'il pouvait survivre. Mais pouvait-il résister? Pouvait-il seulement oser?

Il recula d'un pas, et d'un geste de la main, fit en sorte que celle de Briana quitte sa joue.
-Je suis peut-être un "minable", mais je vois bien quand on se joue de moi!

OK, il devait l'avouer, là, pendant quelques secondes, il avait été troublé, très troublé... le parfum, le visage de Briana, tout ça si proche de lui... Mais voilà, sonnette d'alarme à l'intérieur... Mais il avait bien failli ne rien faire... et alors... que ce serait-il passé....?

Lorsqu'il osa la repousser, elle s'assit dans l'herbe, juste à côté de lui, et ne put s'empêcher d'afficher un large sourire qui laissa visibles ses dents blanches et parfaitement alignées. Elle avait pourtant bien cru qu'elle allait devoir l'embrasser ! Mais il n'était pas si faible que ça, apparemment. Elle avait pu constater qu'il avait quand même longuement hésité... Après tout, si elle l'avait embrassé, cela n'aurait été pour lui qu'un extraordinaire cadeau : il était évident que jamais de toute sa vie, il ne pourrait obtenir une fille aussi magnifique qu'elle.

Dommage pour toi, tu le regretteras !

Il en devenait presque amusant, en fait, ce petit être faible qui avait même été jusqu'à refuser ses avances ! Il était culotté, tout de même. Mais Briana était loin d'être froissée. Ce n'était qu'un jeu, bien sûr, il l'avait senti. Mais elle aurait été prête à recommencer, tout de suite même, rien que pour pouvoir s'amuser de la faiblesse du jeune homme face à une fille comme elle. Belle, dangereuse, manipulatrice. Il paraissait sans défense, le genre de personne qui a constamment besoin d'être protégée.

Mon pauvre petit Aymeric Weidmann... dit-elle dans un soupir, sans achever sa phrase. Assise dans l'herbe, elle leva les yeux au ciel. Le jeune homme n'osait même pas partir. Cela aurait ennuyé Briana plus qu'autre chose d'ailleurs, car elle aurait dû le suivre pieds nus, ce qui n'était que moyennement agréable... Elle avait même totalement oublié qu'elle avait prévu de sécher les cours et d'en chercher plus sur le cas de Ruby Sheperd, maintenant qu'elle se trouvait là à embêter son nouveau souffre-douleur. Mais dans tous les cas, il devenait nécessaire qu'elle rentre chez elle pour mettre des chaussures... Oh, et puis tant pis, cela pourrait attendre. Même si elle trouvait que cela faisait cruellement "prolétaire", martyriser Aymeric était à présent son seul but.

Tu ne veux vraiment pas m'embrasser ? demanda-t-elle sur un ton amusé. Elle aimait être directe, et cela lui permettrait à nouveau de se moquer du jeune homme et de ses réactions...

Regretter quoi? Le baiser d'un détraqueur? Certes non! d'accord, elle était canon, et d'accord, c'était un garçon avec son lot d'hormones et de fantasmes! Mais! Il valait mieux que ça! Il ne méritait pas tel traitement!
Il la regarda... Il se pencha pour ramasser son sac... Pourquoi restait-il? Avait-il à ce point l'âme d'un esclave? Quand même pas!

Elle était assise... à présent, et pour une fois, il était plus haut qu'elle! Elle parlait de lui comme s'il n'était qu'un gosse... Il était petit, OK. Puceau, c'était certain. Mais il n'avait pas 5 ans! Alors les "mon pauvre petit..." Cela l'énervait pas mal! Surtout venant de cette... cette... Rha! mais il n'avait même pas de mot pour qualifier ce genre d'individu!

Il voulait lui répondre, l'envoyer blackbouler au lieu de s'enfuir sans honneur! Question de fierté, peut-être... S'il le ne faisait rien, elle lui mangerait la laine sur le dos jusqu'à ce que finalement il trouve le courage de la balancer sur les rails avant le passage d'un train à grande vitesse...
Un autre rêve... cela valait bien le bazooka, finalement!

Et elle posa sa question. On pouvait lui trouver une qualité: elle était directe et ne tournait pas autour du pot.

-... Je ne veux pas.

Il aurait pu dire "t'es pas assez bien pour moi"... Cela aurait eu un peu de classe. Il aurait pu dire "t'es pas mon genre"... Mais sa réaction précédente l'aurait démenti... Il était un peu coincé, donc! Il ne pouvait que dire un bête et simple non. Pas drôle... de toute façon, il n'avait le courage nécessaire pour dire plus!
C'est clair que dans un rêve adolescent fait de filles et de luxure, oui, il aurait voulu embrasser Briana... mais les circonstances étaient loin d'être celles d'un stupide rêve! Et puis ses rêves de filles n'étaient même pas dirigés vers elle. La fille de la BD, ce n'était pas Briana. Et Aymeric était un cliché sur pattes. Il préférait être amoureux d'une fille pour l'embrasser... Alors quand il trouvait une fille qui avait des sentiments réciproques... c'était assez rare!

-... Bon... bye...

Il mit son sac en bandoulière, et quitta la pelouse....

Mais forcément...

Tu ne veux pas ?

La première réaction de la jeune fille fut immédiate. Elle se leva, pieds nus, et saisit le bras du jeune homme pour qu'il arrête de marcher et ne s'en aille pas.

Je pense que tu as simplement peur, déclara-t-elle avec un sourire narquois. Bien entendu, à moins d'être gay, Aymeric ne pouvait pas vouloir embrasser l'une des plus jolies filles de cette planète. Il devait être effrayé, en réalité, à l'idée de ne pas être à la hauteur. Bien sûr, il ne fallait pas être très intelligent pour comprendre à quel point Aymeric était timide et... sans expérience. Elle décida d'en profiter encore un peu. Elle commençait à adorer le faire tourner en bourrique. Tout ça rien que pour le déstabiliser... Elle n'avait pas lâché son bras, et le tenait fermement. Elle n'avait pas énormément de force, mais face à Aymeric, cela devrait faire l'affaire ! Elle approcha ses lèvres de l'oreille du jeune homme, et lui murmura : Oui, Weidmann, tu as peur de ne pas être à la hauteur, n'est-ce pas ? C'est vrai, une fille comme moi doit tellement t'intimider... Elle sourit. M'embrasser... sans conséquences... es-tu assez lâche pour refuser ?

Elle était plutôt ravie de son petit effet. Elle avait usé de sa voix la plus sensuelle pour déclarer ces derniers mots, et avait lâché son bras. Elle s'était reculée, afin de se mettre face à lui, plantant son regard dans le sien. Elle avait l'air clairement satisfaite... et cherchait tout simplement à le désorienter. Il fallait qu'il se sente le plus paumé possible. Elle avait déjà presque réussi, tout à l'heure. Il fallait juste qu'Aymeric se montre un peu moins résistant, et elle n'aurait aucun problème à faire ce qu'elle voulait de lui. De quoi mettre hors d'elle Lilly Swan. Rien que le simple fait de penser à la réaction de sa meilleure ennemie la fit sourire... Elle n'ajouta rien, se contentant de plonger son regard dans celui du jeune homme.

Ha non, vraiment, ce n'était pas son jour! Alors qu'il refusait de l'embrasser et allait mettre les bouts... Elle se leva soudainement, incrédule, et certainement vexée dans son amour propre. Quoi? On refuse de l'embrasser elle, une des bombes du lycée? Et alors?

Elle attrapa son bras, il se débattit un peu.
-Hé mais lâche moi!

Et elle ne l'écouta pas, bien évidemment, et se mit à jouer avec ses nerfs et son état psychologique. Il avait peur? Peut-être bien, mais il préférait quand même embrasser une fille dont il était amoureux, quand bien même cette fille ne serait pas une pure bombe sexuelle!
Elle lui susurra à l'oreille des paroles blessantes, vexants... mais après tout, c'était normal, Briana n'allait pas lui dire des mots doux et gentils, et puis quoi encore?

Pas être à la hauteur.... C'est clair que l'idée qu'elle se moque de lui parce qu'il embrassait mal, n'était pas pour lui plaire. De toute façon qu'il embrasse bien ou mal, elle se moquerait de lui, un point c'est tout, alors ses compétences en bisouillages n'étaient pas véritablement en jeu. Elle pourrait dire tout et n'importe quoi aux autres...
Une fille comme elle l'intimidait... ça, c'était certain! Elle était belle, oui, mais surtout avec une forte personnalité, et un caractère assez conquérant, mesquin, méchant... Et Aymeric le timide gentil tout plein, ne faisait carrément pas le poids.
Et voilà qu'elle mettait son courage en doute... comme s'il avait été courageux, de toute manière!

Etait-ce son amour propre? Voulait-il garder ses baisers pour une fille qu'il aimait, ou bien était-ce un prétexte pour ne pas embrasser Briana de subir ses moqueries par la suite? Mince! Voilà que cette fille semait le doute en lui...
Elle le fixait du regard... Elle avait de beaux yeux en plus... Elle était intimidante, ça oui, pour sûr. Aymeric n'avait embrassé que deux filles dans sa vie, donc il savait quand même comment on embrassait, même s'il avait peu d'expérience, finalement.

Il resta comme un couillon, hésitant, se demandant s'il devait accepter et montrer un peu de courage "ha, j'ai eu le cran de t'embrasser" tout en sachant que c'était un piège... ou bien s'il devait refuser... "Ha, mais je n'embrasse pas si j'aime pas...", et finalement... Rha, mais c'était difficile tout ça!
Et le regard pénétrant de la jeune lycéenne n'aidait en rien!
Aymeric aurait voulu se cacher, courir loin et ne plus jamais la voir... Mais ils étaient dans le même lycée et avaient même certains cours en commun... Le comble!

Il se mordilla une lèvre, nerveux... il ne savait plus quoi faire... et déjà qu'il n'avait pas de répartie, mais là, il ne savait plus quoi dire non plus!
Il était, somme tout, presque cuit à point...

Alors, Weidmann, on a perdu sa langue ? Je dois avouer que ce manque de répartie flagrant me laisse également sans voix.

Évidemment, tant que le jeune homme ne parlait pas, Briana pouvait toujours se moquer de lui dans le vide, mais cela n'avait aucun intérêt. Elle savait juste que, venant de lui, c'était loin d'être intentionnel : la jeune fille avait juste réussi à le déstabiliser, presque jusqu'à un point de non-retour.

Aymeric, Aymeric, Aymeric... commença-t-elle dans un soupir. Serais-tu intimidé à ce point ? Ce n'est qu'un baiser, après tout... Tu n'as pas besoin d'être bouleversé à ce point ! Elle se rapprocha de lui, qui semblait être immobile depuis un instant, et lui caressa à nouveau le visage. La jeune fille paraissait tout d'un coup très douce, et son regard était soudain devenu innocent. N'avait-on pas déjà dit que Briana était une excellente actrice ? Du moins, assez bonne pour déstabiliser des idiots comme celui qu'elle avait face à elle à ce moment là. Pauvre petit lapin... Reprends toi, voyons.

Plus les secondes passaient, et plus elle pouvait sentir que le jeune Weidmann était à sa merci. C'était clair qu'elle avait rarement rencontré des personnalités aussi faibles que celle-ci, et la facilité était même parfois trop ennuyeuse. C'était pourquoi elle ne pouvait se contenter de ça. Il fallait qu'elle aille plus loin. L'idée de le détruire psychologiquement lui traversa l'esprit... mais était-elle si méchante que ça ? Bon, d'accord, il n'y avait pas besoin de réfléchir longuement pour savoir que relever un tel défi était pour elle relativement drôle. Ce pauvre petit garçon fragile... Elle aurait pu devenir incroyablement douce et gentille avec lui, au point qu'il se mette à avoir confiance en elle. Y parviendrait-elle ? Elle ne doutait absolument pas de ses capacités. Ni de la faiblesse du jeune homme. Et il n'y avait aucune raison qu'elle s'attache, en partant du fait qu'elle n'avait pour seule envie que de le voir souffrir. Ce serait certainement sa plus grande réussite...

Doucement, elle approcha son visage de celui du jeune homme. Elle déposa un baiser sur ses lèvres, sans trop pourtant s'éterniser : elle ne voulait pas courir le risque qu'il la repousse. En reculant, elle le regarda. Il ne pouvait être que plus troublé encore. Elle passa une main dans ses propres cheveux afin de les arranger, de manière sensuelle. Ce geste ne fit que dégager un peu plus de son parfum, qui parvint à nouveau aux narines de son petit souffre-douleur préféré...

La laisser sans voix? Bah on dirait pas! Elle avait la langue de vipère agile, et hélas un peu trop hyperactive! Le pire dans cette histoire était qu'Aymeric savait pertinemment qu'elle se fichait de lui, jouait, le faisait tourner en bourrique... apparemment, elle aimait détruire les autres. Il savait avant ça qu'elle n'était qu'une peste, mais à présent, il mesurait toute la réalité et l'horreur (oui! horreur!) de la chose!

Il ne répondait toujours pas... Il voulait fuir, fuir loin. Ce n'était pas une question d'être bouleversé, c'était une question de bien être. Et depuis quelques années, la notion de bien être foutait le camp... surtout depuis l'adolescence, où tous les mecs de sa classe avaient fini par grandir plus vite que lui. En troisième, il semblait avoir 12 ans. En terminale... Il avait 17 ans sur le visage, bien que juvénile, mais il avait la carrure d'un gamin de 15 ans. Ajouter à cela une grande timidité, et une famille qui le rabaisse sans arrêt... et vous avez devant vous un gamin qui à défaut d'avoir grandi physiquement, n'a jamais pu véritablement grandir psychologiquement.

Et le moment tant redouté arriva. Une main, douce, sur sa joue... Une joue imberbe... Hé oui, même sa barbe ne poussait pas aussi vite, il ne se rasait que tous les quinze jours, alors que les autres pouvaient avoir de la barbe assez rapidement. La seule chose qui permettait réellement de dire qu'il était presque adulte, c'était sa voix, car heureusement, il avait mué, depuis un certain temps déjà! Il disposait donc d'une voix assez grave, qui contrastait avec son apparence de "marmot". Ha, patience, le reste suivrait!
Enfin peut-être!

Et voilà... Elle l'embrassa... enfin, elle posa ses lèvres sur le siennes. Aymeric frémit... Cette situation ne lui plaisait pas du tout. Déjà qu'avant ce n'était pas tolérable, mais là... Il ne fit rien, ne participa pas à ce baiser tant il voulait fuir. Elle se détacha enfin...
Il la fixa, une lueur de haine dans le regard. Mais c'était sa faute aussi! Il n'avait qu'à dire non plus fermement, lui tenir tête!

Il serra la mâchoire... Il s'en voulait à mort. Il était ridicule! RIDICULE!! Et après il s'étonnait que les autres se moquent de lui? Il devait y remédier! Il ne pouvait descendre encore plus bas que ça! Cette fille le manipulait si facilement! Il était si démuni, si fragile!

Finalement... la colère sortit. C'était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase.

-DÉGAGE, NE M'APPROCHE PLUS JAMAIS! TIRE-TOI!

Il resserra son sac, et recula d'un pas. Il en voulait à la terre entière. Il aurait presque voulu voir la planète exploser et voir s'éteindre cette satanée humanité.

Il quitta les lieux, fureur dans le regard, les larmes aux yeux...

Briana avait observé le petit manège d'Aymeric, suite au baiser qu'elle lui avait donné. De toute évidence, elle ne s'attendait pas à une réaction si excessive de la part du jeune homme... Ce rapide frôlement de lèvres qu'elle lui avait adressé avait dû contribuer à laisser exploser toute la colère et la frustration qu'il accumulait depuis le début de leur conversation. En fait, bien que surprise, elle était surtout satisfaite qu'il réussisse à montrer un peu de protestation à son égard.

Elle le vit qui commençait à partir. Elle ne pouvait se résoudre à le rattraper, il fallait qu'elle lui laisse le temps de se calmer. Et en plus, elle était toujours pieds nus, et bien décidée à rentrer chez elle. Tant pis, donc, elle continuerait ce petit jeu une prochaine fois... Elle allait devoir tout essayer pour réussir à manipuler le jeune et frêle Aymeric. Cela promettait d'être amusant. C'était tout à fait le genre de défi que Briana pouvait se lancer à elle-même, souvent par simple ennui. Le pauvre Aymeric n'avait encore rien vu, et ne savait absolument pas ce qui allait l'attendre dans les jours prochains...

Mon très cher Aymeric... Le jeu ne fait que commencer, murmura-t-elle d'un air satisfait, avant de s'éloigner vers la sortie du lycée, son téléphone à la main.